La Maison lointaine
Martine Aballéa (née en 1950 à New York) est une artiste contemporaine qui occupe la scène artistique avec des photographies singulières, et des mises en scène imprévisibles, tout en créant une atmosphère contrôlée et réfléchie dans les moindres détails.
Installée à Paris en 1973, après des études en philosophie des sciences, elle garde un goût pour le caractère foncièrement imaginaire des théories scientifiques. Artiste du « vraisemblable », elle conçoit des œuvres qui se situent aux confins du vrai et du faux, aux frontières de la fiction et de la réalité, et donne vie à des lieux imaginaires, des intrigues mystérieuses, créant ainsi des récits proches des contes.
Son œuvre est constituée de textes et images photographiques, reprises et retouchées, souvent colorisées sans naturalisme.
Par ces seuls biais, ses productions proposent un grand voyage de l’esprit : Martine Aballéa emmène les spectatrices et spectateurs de son œuvre dans une promenade mentale, dans un rêve éveillé.
L’exposition de Martine Aballéa au Palais idéal est un projet spécifiquement conçu par l’artiste pour le lieu.
« La maison lointaine est celle que nous habitons dans nos rêves. Le Facteur Cheval a commencé par rêver de son Palais avant de le matérialiser en continuant à rêver.
Martine Aballéa
La forme de ma maison s’inspire de celle de Charles Miller, un autre rêveur, qui a construit une maison sur une camionnette en 1929. Dès que je l’ai vu il y a longtemps j’ai eu envie de l’habiter, d’une manière ou d’une autre. Elle me suit depuis des années. Elle se rapproche d’une cabane que j’ai connu dans mon enfance. Ce premier sentiment d’être chez soi comme les grands, de la meubler d’objets récupérés ou bricolés. Un confort joyeux et un sentiment de liberté.
J’ai situé ma maison dans un bois, loin de tout, comme un astre flottant au milieu de l’univers. Un bois nocturne, sauvage, mais calme et endormi. Et comme abri de cette nuit une maisonnette de lumière offre un lit. Un lit auquel on ne peut pas accéder, seulement contempler à travers les fenêtres. Tout comme certains rêves qui nous échappent dès qu’on s’en souvient. »
Au sein de l’espace muséographique, Martine Aballéa conçoit une maison dont les limites et les montants sont dessinée par la lumière. Les murs de l’espace sont recouverts entièrement d’un immense montage photographique de l’artiste qui fait que la maisonnette apparaît comme au milieu d’une forêt mystérieuse.
La cabane c’est un lieu magique. Pour les enfants, c’est le refuge de l’imaginaire. Pour les adultes, l’antre des souvenirs. La cabane des contes, comme celle des jeux, peut-être déjà en place, attendant d’être habitée ou réinvestie. Elle surgit au moment utile. Elle peut aussi être construite de toutes pièces. Ce qui importe, ce qui fait sens, ce n’est donc pas le nom ou la dimension de l’abri, non plus que son confort, ou la durée du temps que l’on y passe, c’est l’isolement, la marge, représentée par la forêt.
A Hauterives, comme souvent, Martine Aballéa construit un univers onirique avec la représentation d’une nature souvent luxuriante à la végétation débordante. Ainsi, ces rideaux photographiques transforment la perception de l’espace intérieur de la maison du facteur Cheval, en superposant au travers des fenêtres une évocation du monde naturel. Cette représentation questionne notre rapport à l’espace domestique, qui devient là encore le lieu de la rêverie et de l’émerveillement.
Par la même, Martine Aballéa vient souligner que le facteur Cheval trouvait l’inspiration lors de ses déambulations de plus de 40 kilomètres dans la campagne environnante. En faisant entrer l’idée du paysage dans l’habitation de l’illustre constructeur, Martine Aballéa montre comment ce Palais né d’un rêve est le fruit d’un ensemble qui mélange, nature, habitat et pouvoir de l’imaginaire.
Dès 1975, au début de sa pratique artistique Martine Aballéa conçoit des cartes postales. En 2020, elle conçoit une nouvelle série intitulée Cartes postales de confinement. En hommage à la pratique du facteur Cheval, une série de cartes postales de Martine Aballéa est éditée à l’occasion de son exposition à Hauterives.